si j’avais eu vingt ans au Soudan

d’ici et d’ailleurs, 32
Paris, Montreuil, 28 janvier 2021.

Tous les enfants de la terre et du ciel…

...Maintenant, nous sommes tous égaux
en accord un seul corps
sur le lit de la vie sous le toit de la mort

Hawad, Froissevent

Peu avant 18h, hier soir, devant le lecteur de carte bleue du Picard d’à côté, la caissière m’informe que si j’appuie sur la touche verte, pour arrondir mon paiement – l’argent sera versé à des associations d’étudiants.
Depuis le 13 octobre dernier, le CROUS a ouvert un « centre d’accueil et d’aide alimentaire dédié aux étudiants » à Paris, 8 rue Francis de Croisset, Métro Porte de Clignancourt. À la veille du troisième confinement, dans toute la France, des associations distribuent des colis aux étudiants nécessiteux. Et la semaine dernière, Macron a annoncé que dans les restaus-U, les étudiants auront droit deux fois par jour, à un repas à 1 euro.

Paris, 28 janvier 2021

Ce matin comme hier, pas loin de la station Quai de la Gare, il y a du nouveau. Une petite tente igloo posée juste à côté de la bouche d’aération du métro.
Un grand matelas posé sur la grille – l’air qui en sort est brûlant. Impossible de se tenir dessus.
Les deux sans-abris sont là comme chaque jour. Silencieux comme d’habitude. Celui des deux qui ne parle pas français me fait signe qu’il n’a pas faim, qu’il a bien mangé. Des gens du quartier leur donnent à manger en passant.
Pas besoin d’aller faire la queue au resto du cœur.
Besoin de rien. Sauf un toit, du travail, et des papiers.

Bilal Moussa parle un peu français, lui. Il est né le 11 mars 1962, au Soudan. Ça fait des années qu’il est à Paris. Sa demande d’asile a été rejetée. Avec le covid, son copain et lui ont été expulsés de leur dernier foyer.
L’association que j’ai contactée m’a proposé de transmettre un numéro de téléphone.
– Bilal n’a pas de téléphone. Pas de crayon. Pas un bout de papier.
Et aujourd’hui encore, je me demande qui je serais si je n’avais ni papier, ni crayon, ni téléphone, ni maison. Ni livres.
Si j’avais eu vingt ans au Soudan, en pleine famine, en pleine guerre civile.

« Yannick Bestaven (Maître Coq IV) a franchi, jeudi 28 janvier, la ligne d’arrivée du Vendée Globe aux Sables d’Olonne en troisième position, mais a été déclaré vainqueur en raison de compensations dont il bénéficiait pour avoir participé au sauvetage de Kevin Escoffier ». Le Monde, 28 janvier 2021.

Encore une fois les files d’attente, les couloirs sans fin, médiocres déambulations dans le bocal quotidien. Mais aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale, intra muros, je retrouve Bilal et son copain à chaque page d’un gros livre, Retour à Tombouctou, publié en 2015. Des centaines de portraits d’exilés, de réfugiés dispersés dans des camps aux quatre coins du Sahel. Bilal et les autres : quelques centaines de tentes sur les trottoirs de Paris, et combien de dizaines, de centaines de milliers de personnes, dans combien de camps, dans ces « régions instables » de l’Afrique ?

– Et devinez qui est l’auteur de ce livre ? Titouan Lamazou – vous savez, celui qui a gagné le premier Vendée Globe : toutes amarres larguées, le navigateur est devenu peintre-dessinateur.

Ensuite, je regarde d’anciennes et terribles images de Sebastiao Salgado – la famine au Sahel, 1984 – 1985.
Et me revient un mot de Raymond Depardon (dans un entretien avec J.F. Chevrier), au sujet d’une photographie de Gilles Caron, l’été 1967 : elle représente Depardon photographiant un enfant en train de mourir de faim.  » – C’est vrai que la photo de Gilles est terrifiante, dit Depardon. Mais je suis contre la censure. Je pense que cette photographie nous représente, nous, les gens d’image. »
La question n’est pas neuve. Quand en 1869 le peintre Guillaumet montrait aux Parisiens un tableau représentant des gens mourant de faim en Algérie – une image aussi vraie que les photographies de Depardon au Biafra – le public du Salon criait au scandale. Dégoûté.

L’Illustration, 27 juin 1868, La famine en Algérie, dessin de J. Lange d’après une photographie de M.A. Sarrault
– G. Guillaumet, La Famine en Algérie (1869), détail. Musée Cirta, Constantine, Algérie
Biafra 1967, Raymond Depardon filme la famine – Photo © Gilles Caron/Fondation Gilles Caron.

4 commentaires sur « si j’avais eu vingt ans au Soudan »

  1. Pour les étudiants en détresse psychologique :

    Un courriel professionnel m’informe d’une initiative en faveur des étudiants qui, comme on sait, sont de plus en plus en difficulté : l’initiative de PepPsy, qui offre gratuitement aux étudiants un programme de gestion du stress.

    Peppsy leur offre un accès gratuit aux programmes sur :
    a.. la gestion du stress avec le Docteur Emmanuel Contamin, psychiatre
    b.. la prévention de l’épuisement et du surmenage avec Florence Parot, sophrologue
    c.. l’addiction au smartphone avec Juliette Lachenal, psychologue

    Pour en bénéficier, les étudiants peuvent envoyer un mail à l’adresse : contact@mon-coaching-peppsy.com ou un message privé Facebook, Linkedin ou Instagram en précisant leur propre adresse mail.

    A faire circuler auprès de qui vous jugerez utile, bien sûr.

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