L’Homme parfait

D’ici et d’ailleurs 96,
Paris, Montreuil, 23 décembre 2023

Hier soir, entre chien et loup, je suis allée faire un tour à Paris, du côté du Panthéon, et j’ai rencontré l’Homme parfait.
La place était doucement illuminée par un bataillon de sapins de Noël disposés en quinconce, le drapeau français flottait doucement dans le ciel encore clair.
Le nez en l’air, je rêvassais à nos gloires nationales, et aux controverses sans fin autour de leur panthéonisation, ou leur dépanthéonisation – quand j’ai buté sur un monstre.

Énorme, menaçant, gueule ouverte, crocs géants,
poings serrés sur la poitrine, en légère flexion,
prêt à frapper, terrasser, écrabouiller tout ce qui se trouvait sur son passage.

J’ai reculé, me suis ravisée.
Ah mais bien sûr, je le reconnais.
On le croisait un peu partout, l’autre été, dans les beaux quartiers – rouge pétard, ou bleu pétrole. Cette fois, il la joue Reine des neiges, pain de glace. Happy Christmas, quoi.
Sacré Orlanski. « L’artiste français qui se vend le mieux au monde ».

Je m’approche, il y a un truc écrit sur le socle :
.. œuvre emblématique de Richard Orlanski, dit le cartel…
le sculpteur s’est inspiré de King Kong..
– sans blague ? J’avais pas remarqué
pour créer une allégorie de l’homme parfait.

De l’autre côté du portail de la Mairie du 5è, se tient le pendant de l’Homme parfait, Standing Bear :
Cet ours debout joue avec les paradoxes de notre imaginaire
À la douceur de l’ours en peluche se superpose la peur du mammifère sauvage.
– J’ai beau regarder, je ne vois pas l’ours en peluche.

RER, heure de pointe, Luxembourg, Châtelet – Je rentre accompagnée de l’Homme parfait, mine de rien. Quand, à Nation, une fois de plus, l’automate du RER n’a pas voulu de ma carte navigo, L’Homme parfait m’a fait signe, et j’ai franchi le portillon derrière lui. Sur le quai bondé de la ligne 9, le Gorille nous attendait patiemment. On est montés tous les quatre dans la rame – forcément, Brassens s’était incrusté. Dans le métro, personne n’a rien remarqué. Ils m’ont escortée tous les trois jusqu’à la maison.

…par malheur, si le gorille
Aux jeux de l’amour vaut son prix
On sait qu’en revanche il ne brille
Ni par le goût ni par l’esprit
…Gare au gorille!

Tout à l’heure, je suis allée faire un tour place de la Mairie, à Montreuil, entre chien et loup.
Le grand sapin en plastique bourré de loupiotes dorées éclairait doucement la place, plus discret que le manège.
Couronnée d’or, la façade résolument soviético-art-déco de l’Hôtel de Ville s’éclairait doucement de rayons verts.

Comme je rêvassais nez en l’air, voilà l’Homme Parfait qui se pointe, suivi comme de juste de Brassens et de son Gorille. Mais ce soir, ils n’ont fait que passer : je venais de voir, de chaque côté du balcon d’honneur, au-dessus du portail de la Mairie, les deux drapeaux français que le maire a fait mettre en berne, le 20 décembre.

Il a raison, Orlanski. Son Homme parfait, c’est l’homme, parfaitement.
Et dire que demain, c’est Noël.

7 commentaires sur « L’Homme parfait »

Laisser un commentaire