d’ici et d’ailleurs, 36
Castellar, frontière italienne, 20 février 2021
– Ah, tu m’assassines !
– Sauve ton âme !
– Ah, mais tu commets un crime
– Pauvre femme…Tu es endiablée, par ta bouche
C’est le diable qui accouche
Le Rita Mitsuko, La Sorcière et l’Inquisiteur

Terre des confins, corps et mémoires confinés. À l’entrée du village, un panneau rappelle au visiteur qu’il pénètre dans le fief des Lascaris – issus de la fille d’un empereur de Byzance, au 13è siècle… Pas question des Sarrasins, par contre, nombreux et fréquents dans la région à l’époque, depuis des siècles. À Castellar, on peut désormais apprendre une autre histoire ancienne. Car sur la façade de la chapelle Saint Antoine, protecteur des Lascaris, à quelques mètres de la chapelle Saint Sébastien où sont cloîtrés les soldats, on a récemment apposé une plaque :
En novembre 1623, Perinetta Raibauda fut pendue puis brûlée comme sorcière devant la porte de la chapelle. « Elle était accusée de nombreux méfaits dont la mort de jeunes garçons, d’accomplir ces méfaits sous la forme d’une chatte, et d’être responsable de la sécheresse persistante », me précise Nicole Jacques-Lefèvre (auteure d’une Histoire de la sorcellerie démoniaque) – Merci Nicole !
Sur le registre de la paroisse, le curé avait écrit « C’était une pauvre femme. »
https://www.honorechampion.com/fr/champion/11344-book-08535403-9782745354037.html

Le village n’a pas attendu la pandémie pour être déserté. Voici des années que les commerces ont fermé. Bien des gens qui habitent Castellar travaillent à Menton, un peu plus bas. Sur la place de la mairie, une affiche raconte que c’est ici que Maurice Pon a recueilli (pour Henri Salvador, bien sûr) le thème de la chanson Le travail c’est la santé – rien faire c’est la conserver, entendu au bistrot du coin.

confinement : omertà
Chaque année, je reviens ici, et dans le silence du village, derrière les volets, on entend toujours cette autre histoire, toute proche de nous celle-là – cette histoire inachevée :
« Après avoir porté plainte pour « menace de mort » contre les trois frères de la famille Verrando, maçons et chasseurs à Castellar, en août 1991, Pierre Leschiera, dit « Pierre le Berger », était abattu quelques jours plus tard. Alors qu’il montait en direction de sa bergerie à moto, la victime, âgée de 33 ans, était exécutée froidement à coup de chevrotine dans le dos, avant d’être achevée à coups de crosse en pleine tête. » Nice-matin, 17.12.2015.
À chacun des multiples procès, le clan Verrando a été acquitté (« Je déteste ce clan qui s’arroge des pouvoirs qu’il n’a pas, qui distribue les menaces », disait de son client en 2007 Maître Dupond-Moretti). Côté Verrando, il y a eu des gens pour mettre en cause les clandestins de la frontière – et d’autres, pour accuser Pierre, à qui il arrivait d’en aider, d’avoir fait le passeur. Au village, tout le monde sait – personne ne parle. Le meurtre reste « non élucidé ».


Au bord de la piste du col Saint Bernard, là où Pierre le Berger a été assassiné, le petit monument érigé en sa mémoire s’est dégradé cet hiver. À 4 km de là, le casino de Menton, le musée Cocteau sont fermés, comme les grands hôtels où venaient se pâmer et mourir au soleil les princes russes, les jeunes anglaise, au bord de la mer Méditerranée.
Sarocchi, U lamentu di u pastore


magnifique découverte musicale !!!! merci
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merci à toi Victoria la musicienne!
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Si vous aviez la traduction des paroles?
Merci en tout cas pour ce parfum pasolinien.. et pour l’ensemble de vos chroniques
Bien à vous
Michel
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merci à vous Michel!
Vous trouverez la traduction de ce chant traditionnel sur
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