conservatoire du littoral

d’ici et d’ailleurs, 28
Île de Houat, le 6 janvier 2021

Il n’était pas imposant, le fort Bastiani… il n’était pas beau non plus, ni pittoresque…. et pourtant Drogo le regardait, hypnotisé… Et derrière, qu’y avait-il ?
Dino Buzzati, Le désert des Tartares.

L’autre jour, j’ai déménagé au bout de l’île, dans le Fort.
Autour de la bâtisse, au milieu des oyats, des immortelles, des œillets mauves et des lys des sables, poussent des plantes comestibles : mon hôtesse les connait toutes, depuis toujours. Elle en fait de magiques soupes vertes, pour ses enfants, ses visiteurs. Oseille, ortie, asperges et ail sauvages, nombrils de Vénus…

Des amis me demandent si je campe maintenant, comme chaque année en juin ?
– …Si mon matériel n’était pas si inaccessible, j’aurais sans doute passé une nuit dans un bon duvet sous ma tente, oui, au fond d’une crique abritée des vents de Nordet, avec les gros murs et les poëles à bois du Fort comme base arrière : luxe absolu de sédentaire nantie.
Et j’aurais bien dormi. Mais je n’aurais pas connu ce sommeil sans fond des nuits de janvier à la belle étoile, quelque part sur le plateau du Tassili N’Ajjer – bien emmitouflée, protégée par une paroi rocheuse d’un vent plus glacial encore que celui qui souffle sur l’océan.

On dit que toute cette plaine n’est que cailloux, une sorte de désert…
…Mais au fond, au Nord, on doit tout de même bien voir quelque chose ?
– En général, à l’horizon, il y a la brume… il y a les brumes du Nord qui empêchent de rien voir…
Le désert des Tartares.

Au nord de la pointe d’En Tal, le littoral a changé depuis septembre dernier. Déchiquetée, la dune a encore reculé, et des amas de rochers se sont écroulés sur la plage. Tout là-bas, un panneau avertit les promeneurs : « La dune a beaucoup souffert des tempêtes de cet hiver. Pour l’aider à se reconstruire, restez sur les sentiers et respectez les aménagements réalisés ».
Mais que peut le Conservatoire du littoral contre les grandes tempêtes…?

Le long des sentiers, les panneaux se multiplient.
Les sentiers… depuis des années déjà, ils sont bordés de loin en loin par des ganivelles aussi jolies que leur nom – d’un de leurs piquets, un land-artiste a fait un signe pointé vers le ciel. Elles font tellement parte du paysage qu’on les retrouve même sur les épitaphes, au cimetière. Mais le vent, le sable les enterrent, les arrachent, les grandes marées les disloquent, l’hiver les mange…

Les aménagements ? Cet hiver, le Conservatoire a innové. Ces grandes caisses pas vilaines, peintes aux couleurs du ciel, et disposées à proximité des plus vastes plages, ce sont des bacs à marées : « Uniquement pour les déchets venant de la mer. » Car la mer, sans cesse, vomit sur les grèves un peu de ce qu’elle met des siècles à digérer, encore et encore….

Aux abords des rivages, les pluies ont rougi le flanc des falaises, rempli les gueltas, fait ruisseler des oueds, façonné de petits saharas… Maintenant l’île est propre, nettoyée par les tempêtes, rincée par les éléments, récurée dans ses moindres replis.

Parfois, le cœur de l’homme au loin s’égare, et sous l’arc de son œil il y a, comme aux grandes arches solitaires, ce très grand pan de Mer debout aux portes du Désert.
Saint-John Perse, Amers

9 commentaires sur « conservatoire du littoral »

  1. Merci pour ce partage Marie , je retrouve avec plaisir ces sensations et émotions vécues lors de mes quelques séjours sur l´île de Houat

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    1. Ah, merci Nathalie! Bonne idée de retourner à Houat – mais mieux vaut prévoir d’y aller hors saison, car depuis peu, l’île est envahie à partir de la mi-juillet ! bonne année en attendant à Mexico !

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  2. J’ai beaucoup aimé la dune d’En Thal tranchée net au couteau. J’ai déjà connu ça, il y a bien longtemps. Ca m’a donné un petit coup de jeune. Merci.
    Je te suis toujours, toujours conquis.

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