D’ici et d’ailleurs, 47
Ile de Houat, 18 juin 2021
Il semble qu’une partie seulement du sable soit mobile, que le sable soit à la fois allochtone et autochtone dans une mesure variable, bien difficile à préciser, que les dunes vives et « fumantes » sous le vent ont néanmoins des formes singulièrement stables.
J. Dresch. Géographie des régions arides.

Cette année comme chaque année à la fin du printemps, au sud-est de l’île, la pointe d’An Tal est remodelée, visiblement. Creusée d’un côté, avec des pans entiers du littoral arrachés, elle s’étend mollement, mais largement de l’autre. Les marées, les tempêtes – le vent ont déplacé la dune, à laquelle s’accrochent, ici et là, quelques touffes d’oyat.
Cette année comme chaque année, le Conservatoire du Littoral ajoute de petits panneaux, ici et là. Sur cette dune, ce sont les oiseaux qu’il tente de protéger. Les gravelots par exemple, qui se nourrissent de la laisse de mer, abandonnée en haut des plages.
Les Perses n’atteignirent point Ammon et ne revinrent pas sur leurs pas… Un coup de vent du sud-est souffla sur eux avec une violence inaccoutumée ; il souleva de tels monceaux de sable qu’il les en couvrit, et de cette manière, ils disparurent tous. Hérodote.
Pas d’armée engloutie, ici – les 50 000 hommes de Cambyse II ne sont pas passés par Houat – mais bien des marins péris en mer, au large de ces sables. Au siècle dernier, à la fête du 15 août, on leur jetait des couronnes de fleurs depuis les bateaux de pêche.
Tout au bout de la grande-plage, là-bas, il y a la carcasse d’un navire : un beau jour, Yvon est allé en mer, il a abandonné son bateau, et il l’a laissé partir à la dérive. Le bateau est venu s’échouer ici, sur l’île d’où il était parti.
Chaque année, l’épave s’éloignait de son échouage, chaque année, elle s’enfonçait davantage. Il y a peu, on voyait encore une pièce de bois émerger des sables – puis, plus rien. Le Migrateur était enseveli.
– À propos de migration : le film de notre amie Florence Miailhe, La Traversée, va enfin sortir. On est si impatients de le voir… – Regardez la bande-annonce :
La barkhane est la dune la plus visiblement mobile, jusqu’à 80 mètres par an.
J. Dresch. Géographie des régions arides.
Barkhane : mot arabe qui signifie « dune en forme de croissant ». Pas de barkhane, ici, mais de hautes et basses dunes mouvantes, des érosions fluides, de petits Saharas.

Sables mouvants… La semaine dernière, était annoncée la fin de l’opération Barkhane. Florilège :
La forme de notre présence, celle d’opérations extérieures engageant plus de 5 000 hommes, maintenant depuis plusieurs années, n’est plus adaptée à la réalité des combats », a expliqué E. Macron. Désormais, la lutte contre le terrorisme sera faite « avec des forces spéciales structurées autour de [l’opération] “Takuba” avec, évidemment, une forte composante française – avec encore plusieurs centaines de soldats – et des forces africaines, européennes, internationales », a précisé le président de la République. Le Monde, 10 juin 2021.
…Serval. Épervier. Atalante. Bouclier du désert. Tempête du désert. Chammal. Sangari. Barkhane. Takuba. (Takuba : mot tamachek qui signifie « sabre »)
Le Général Bruno Clément-Bollée, Opération Barkhane, 2018 :
…En Afrique, il y a aussi LE désert ! Silence ! Tout est dit. On explore là une dimension insondable, le cœur de l’extrême.
…Le désert impose sa rigueur implacable de façon permanente et oblige au dépassement de soi, toujours et à toute heure. Mais cela ne le décourage pas (le soldat). Sans doute a-t-il hérité quelque chose de cette passion dévorante que ses anciens, Goumiers, Méharistes, Gardes nomades… possédaient avant lui…
…Et le Général de conclure, en enrôlant l’homme aux semelles de vent dans son armée des sables :
…Chaque soldat songera au retour, revisitant Rimbaud : « je reviendrai plus fier, avec des membres d’acier, la peau sombre, l’œil furieux, et sur mon allure on me jugera d’une race forte ! »
… Est-ce qu’elles sentent bon le sable chaud, les armées ensablées DU désert, de Barkhane, et autres sables mouvants ?…
Ici, la dune est odorante. Les œillets mauves au parfum poivré embaument déjà. Bientôt, ce seront les immortelles, et toute la lande s’emplira de leur âcre et puissante odeur de curry. Puis, fleuriront les suaves, les ineffables lys des sables, à demi ensevelis sous les dunes, aux tiges couvertes d’escargots minuscules.
Il y a trois ans, je me suis promenée dans les dunes de l’un des plus grands déserts arides du monde, le Grand Erg occidental, à la lisière de l’oasis de Timimoun. Et regardez quelle drôle de fleur j’y ai rencontrée… Le sable ne sentait rien, et la petite pantoufle rose, non plus.


