d’ici et d’ailleurs, 22
Montreuil, vendredi 27 novembre 2020

Jeanneton prend sa faucille,
La rirette, la rirette
Jeanneton prend sa faucille
Pour aller couper du jonc…
En chemin elle rencontre,
La rirette, la rirette
Quatre jeunes et beaux garçons…
…la chanson fait bien rire les soeurs Lebreux, sémillantes Gaspésiennes ( : natives de Gaspésie, au Canada) octogénaires, qui en donnent une interprétation de leur cru.
Le premier, un peu timide…
Lui caressa le menton
Le deuxième, un peu moins sage
La poussa sur le gazon
Le troisième encore moins sage
Souleva son blanc jupon
Mercredi, « journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles » : dans les rues de Montreuil, beaucoup de Jeannetons qui ne trouvent sans doute pas ça drôle. Même quand les garçons sont jeunes et beaux. Des femmes de tous âges, quelques hommes aussi.
Croix de Chavaux : la Maison des femmes fait le point sur l’actualité pendant ce nouveau confinement. On se souvient de toutes celles qui sont mortes. Et d’Aïcha et Mariama, tuées par leur mari (l’une égorgée, l’autre défenestrée) ici à Montreuil, il n’y a pas longtemps.
Le cortège s’avance vers la Mairie. Des colleuses ajoutent en hâte un nouveau message – il y en a tous les jours de nouveaux, sur les murs de la ville, parfois très vite arrachés.
PAS UNE DE PLUS.
« On est fortes, on est fières, féministes-radicales-et en colère ! » chante le cortège.
Beaucoup de jeunes, mots d’ordre très variés ; beaucoup de pancartes de caractère plus personnel aussi.
« Si de nouvelles places d’hébergement ont été ouvertes depuis un an, en Seine-Saint-Denis, la Maison des femmes de Montreuil a encore du mal à en trouver pour ces femmes victimes de viols conjugaux. « On m’a déjà dit que ce n’est pas une violence aggravée, qu’il n’y a pas grand danger, mais le viol est un crime. Prévenir un crime, c’est notre rôle, c’est la loi ! », rappelle la présidente. »
…Ce qui fit le quatrième
N’est pas dit dans la chanson
On sait comment ça se termine :
….Vous voulez l’savoir Mesdames,
La rirette , la rirette
Faut aller couper du jonc.
Cette chanson ancienne, on la trouve aujourd’hui sur youtube dans de virils recueils de chansons paillardes. Sa « morale » ?
La morale de cette histoire / C’est qu’les hommes sont des cochons
La morale de cette morale / C’est qu’les femmes aiment les cochons
(Aristide Bruant en avait rajouté une couche :
La morale de cette histoire / C’est qu’sur 4, y a 3 couillons)
On la trouve aussi, versions cucul-la-praline, dans des enregistrements de comptines pour enfants. Dans ce cas, l’histoire se conclut sur « Faut aller couper du jonc. »
La rirette, la rirette. Ou la lurette, comme disent les sœurs Lebreux.

Mercredi, un ami du coin de la rue (merci Rémy) nous envoie ce message de son voisin de la rue Danton, Guillaume Herbaut. Il est photographe. Son témoignage a depuis circulé sur les réseaux sociaux – il s’ajoute à ceux que vous avez pu lire dans la presse sur ce qui s’est passé, mardi 24 novembre, lors de l’évacuation de migrants par la police, place de la République à Paris :
« Ce soir-là, je travaille, appareil photo à la main, j’ai pris soin de mettre mon brassard presse bien en évidence sur mon bras. Après l’évacuation du camp, une centaine de personnes manifestent dans la rue. Je les suis de loin. Je prends la rue du Renard. Il est 22H38 quand j’arrive à l’angle rue Saint-Meri. Une brigade policière lance des gaz lacrymogène. Les manifestants continuent leur chemin.
Je m’attarde pour photographier la rue remplie de gaz.Je suis de loin la brigade policière, auteure du tir de lacrymo, qui s’arrête au niveau de la rue Pierre au lard. Je suis à 30 mètres derrière eux, sur le côté droit de la rue.Je précise que je marche tranquillement, je travaille (appareil photo et brassard toujours apparent), loin des manifestants qui n’ont aucun comportement agressif. En se repliant, les policiers me visent délibérément en faisant glisser une grenade de désencerclement, qui explose à mes pieds. J’entends un bruit strident, je suis sonné, j’ai des acouphènes (…)
Je ne comprends pas pourquoi j’ai été visé. Je demande des explications aux policiers, en pointant mon brassard presse. Réaction du tireur : « vous n’avez rien à faire là ».
Ça fait plus de 20 ans que je suis photojournaliste, je n’avais jamais été en France ciblé par la police lors de mon travail. La situation est inquiétante, même en Russie lors de manifestations je n’avais pas eu ce genre de problème. »
Samedi dernier à Paris, Michel Z ; en 1992, avenue de la Résistance à Montreuil, Ibrahima Souma et Boukary Koumaré étaient interpellés et violemment tabassés. La Fédération internationale des Droits de l’homme, puis Paul Quilès, Ministre de l’Intérieur, s’en étaient émus.
Notre Père qui êtes aux cieux Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
« BOURGEOIS VAS DANS TA MAISON DE CAMPAGNE ET RESTES-Y !!!
TU NE SERAS JAMAIS CHEZ TOI ICI »
Dans les rues de Montreuil, ces dernières semaines, ce ne sont pas seulement les messages des Colleuses qui se multiplient. Ce sont aussi, dans une moindre mesure, ceux du groupe ACAB. Cible N°1 : la police – N°2 : l’injustice sociale – N° 3 le confinement qui aggrave l’injustice. ACAB est contre les bourgeois et la classe moyenne, et pour la « classe intégrale » – qu’en pensent nos politologues ?
…Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie……
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons…
Notre Père, de Prévert (dans Paroles) : c’était en 1945.






