marmots, michtos et narvalos

Montreuil, samedi 9 mai 2020

L’était une p’tite poule grise
Qu’allait pondre dans l’église
Pondait un p’tit coco
Que l’enfant mangeait tout chaud

Ils sont passés ici hier, les petits-enfants qui vivent au loin ! Et ceux qui vivent ici sont revenus, après un long séjour dans la maison des mémés. Des enfants des voisins même, sont venus faire un tour. Explosion de joie dans le jardin, puis autour d’une console.
À peine si on a eu le temps d’échanger sur des expériences si diverses – ceux qui ont vécu le confinement chez eux, et ceux de Montreuil, qui rentrent à la maison.
Ce qu’ils racontent d’emblée confirme l’impression générale, parmi nos voisins : si tous les enseignants et sans doute bon nombre de parents ont tenté de s’adapter à l’école à la maison pendant ces deux mois avec un réel succès, leur implication et leurs talents respectifs sont très inégalement répartis. Je connais plus d’une maman qui aurait rêvé que son fils, sa fille bénéficie des vidéos et du suivi individualisé que chaque jour Anne, longtemps institutrice à l’école d’à côté, envoie à ses élèves de Marseille (- c’est notre fille, et je n’en suis pas peu fière). Certains petits n’ont bénéficié que du minimum syndical et se sont ennuyés ferme, devoirs expédiés en dix minutes, aucun lien personnel, parents paumés.

Avec les enfants, on ne s’attarde pas sur les moments difficiles qu’ils ont vécus – mais quelques mots, à la volée, en disent long. On en parle, entre parents-grands-parents : tous, ils ont souffert du confinement, violemment  parfois. Certains ont développé des TICs. Et ce n’est pas fini… Dès le 29 avril, le maire écrivait au directeur académique et aux parents, pour les avertir que les 54 écoles de Montreuil ne réouvriraient pas le 11 mai. Aujourd’hui, personne ne sait encore combien d’enfants seront accueillis ici, ni quand, ni où.

L’était une p’tite poule brune
Qu’allait pondre dans la lune
Pondait un p’tit coco
Que l’enfant mangeait tout chaud

Les histoires de masques amuseraient plutôt les gosses. De la génération Zorro-Concombre masqué (la mienne) aux super-héros et autres mangas, quoi de plus naturel. – C’est quand même embêtant (- on étouffe, dit Adèle qui le porte depuis la Gare de Lyon), parce que là, c’est le nez-la bouche qu’on cache, pas le haut du visage avec les trous pour les yeux. « On ne peut pas faire du théâtre avec des masques et des gants », déclarait l’autre jour une jeune metteuse en scène (dans Le Monde). Les enfants si, sans problème. Ça les inspirerait même plutôt. Les Grecs, les Italiens et Mnouchkine aussi d’ailleurs – il est vrai, avec des masques autrement plus intéressants. Paco est un spécialiste des masques, africains de préférence, Gaspard préfère ceux d’Iron man.

L’était une p’tite poule beige
Qu’allait pondre dans la neige
Pondait un p’tit coco
Que l’enfant mangeait tout chaud

À Montreuil, on s’est mis au travail pour relayer parents et enseignants qui n’en peuvent plus. Aux Ruffins, c’est un journal en ligne par et pour les gosses. Sur le site de la Ville, des liens vers des activités créatives. Début avril, le Salon du Livre de jeunesse lançait un Salon virtuel, avec des jeux, un concours etc. – ici, les jeunes de ma connaissance n’ont pas accroché. Aujourd’hui, Il est 15h, et à la minute même, on pourrait regarder sur zoom « Mes premiers pas dans la langue des signes » par Yann Gros, mini-conférence pour enfants proposée par la Fabrique des Savoirs du NTM. – Génial. Mais quels publics touchent-ils ?… Jamais l’émission Les petits bateaux ne m’a parue aussi intéressante. Je rêve que nos autorités prennent les citoyens à moitié autant au sérieux que ces savants dans le poste, nos enfants.

Au dernier festival Marmoe (Le Mois des Arts pour l’Enfance à Montreuil, en novembre), 140 enfants des centres de loisir ont chanté en compagnie d’artistes brésiliens, à La Parole Errante… Se tiendra-t-il cette année ? Et qu’est devenu le festival Michto-La Noue, qui réunit grands et petits de partout, en avril ? – Michto… Vous avez dit Michto… ? – C’est du montreuillois, c’est à dire du romani. Comme Narvalo. À ce propos, les échanges fleuris entre Castaner et Bessac (le maire de Montreuil) ont dû faire bien rigoler les Narvalos, s’ils en ont entendu parler. Surtout revus et corrigés par la rubrique Langue française du Figaro.*

L’était une p’tite poule noire
Qu’allait pondre dans l’armoire
Pondait un p’tit coco Que l’enfant mangeait tout chaud

Ils avaient disparu, et ils reviennent dans les rues, les enfants de toutes les couleurs. Ce matin j’ai même croisé des enfants roms – le père-la mère-les enfants : comme disait Paulette l’autre jour à propos des Gadjé, ils n’étaient donc pas tous partis. Ou bien eux aussi, ils sont revenus de leur villégiature. Les murs vont de nouveau pouvoir dialoguer avec les mômes et les ados – moins présents sur les fresques que les grands, mais fréquents tout de même. Pas seulement aux abords des écoles, où leur image est peinte aux normes de la République.

L’était une p’tite poule rouge
Qu’allait pondre dans un bouge Pondait un gros coco Que le loup mangea tout chaud

Il y a tant de petites poules rouges, et tant de loups. Comme la fine variation dans la version de La P’tite poule grise chantée par la femme à la voix d’ogresse, Colette Magny**, les infra-sons des voix enfantines sont presqu’inaudibles. Elles ont besoin d’être portées par celles des grands. Si on tend l’oreille, elles font parfois froid dans le dos. Ici ou là, une affiche de rien du tout. – Faut-il les transcrire en très grand, comme aux murs de l’école colonel Fabien ? J’ai déjà montré cette image, mais tant pis, la revoici. Car derrière les murs, on n’entend rien. À lire donc, le reportage de Médiapart hier, « Enfants maltraités : le risque d’un raz-de-marée à la sortie du confinement. »*** Aïda, 7 ans tout juste, à qui je demandais tout à l’heure si elle était contente de peut-être retourner à l’école – Oui, mais j’ai peur d’être obligée d’aller dans une autre école, et de me retrouver avec ceux de Diderot 2, toute la bande de l’année dernière à la maternelle, parce qu’ils sont méchants. Surtout Samantha. C’est pas de sa faute, sa maman la frappe tout le temps, son papa aussi.

L’était une p’tite poule noire
Qu’allait pondre dans l’armoire
Pondit un p’tit coco
Que l’enfant mangeait tout chaud

Deux images d’aujourd’hui. Impasse Gobetue, avec Paco. On a fait la connaissance de Jacques, né ici même il y a 84 ans. Il arrosait le chemin. C’est un expert en plâtre, ce matériau si complexe que plus personne ne sait faire. Personne ne l’écoute. Aussi les murs sont-ils restaurés en dépit du bon sens. Un peu plus tard, même promenade avec Aïda : je suis liiibre crie-t-elle en courant dans le sentier.

Deux dessins : – Paco : notre monde dans 20 ans (avec caméra de surveillance au dessus du réservoir d’air et d’eau). – Aïda : quand je retrouverai Papa. Son papa vit à Dakar.

**https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2018/01/08/37002-20180108ARTFIG00228-christophe-castaner-un-narvalow-mais-d-o-vient-ce-mot.php

*** https://www.mediapart.fr/journal/france/080520/enfants-maltraites-le-risque-dun-raz-de-maree-la-sortie-du-confinement

Photographies : 1 – fresques en centre ville 2 – fresques près de l’école Pablo Picasso, Bas Montreuil et La Noue 3 – affichages centre ville, au centre : école Colonel Fabien

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